Prière pour les vocations au Carmel

Seigneur,
Nous te rendons grâce
pour le charisme carmélitain

et le trésor spirituel reçu
de tant de frères et sœurs.

Afin que le Carmel continue sa mission par l’oraison,
la vie fraternelle et l’apostolat,
à la prière de sainte Thérèse de ­l’Enfant-Jésus,
accorde-nous d’accueillir et de former
des vocations pour ton Église.
Amen.

 

 

Qu’est-ce que le Carmel ?

Aux sources du Carmel

Notre histoire prend racine sur le Mont ­Carmel, en Israël où, au IXe siècle avant Jésus-Christ, le prophète Élie rendit témoignage au Dieu vivant. En ce lieu, à la fin du XIIe siècle, des hommes se retirent pour mener une vie d’ermites. Vers 1208, ils reçoivent des mains de saint Albert, patriarche de Jérusalem, une « formule de vie », la Règle du Carmel. Ces hommes se placent sous la protection de Notre-Dame : on les appelle « frères de la bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel ».

Au milieu du XIIIe siècle, les carmes quittent la Terre Sainte et essaiment en Europe. Ces contemplatifs assument dorénavant un travail apostolique : c’est ainsi qu’ils sont reconnus par l’Église comme un Ordre mendiant, à l’instar des dominicains et des franciscains. Par le don du scapulaire du Carmel, la Vierge Marie assure sa vigilance maternelle sur le développement de cette jeune communauté. Au XVe siècle, l’Ordre s’enrichit de deux nouvelles branches : aux religieux carmes se joignent les moniales carmélites et les laïcs membres du Tiers-Ordre.

Puis c’est le tournant décisif du XVIe siècle, cette fois-ci en Espagne. Sainte Thérèse d’Ávila rénove le Carmel en lui donnant une impulsion nouvelle centrée sur l’oraison au service de l’Église. Elle fonde de nouvelles communautés de moniales mais aussi de frères, avec l’aide de saint Jean de la Croix. Ainsi naît l’Ordre des Carmes Déchaux composé de carmes, de carmélites et de laïcs. Plus tard, différentes formes de vie consacrée (congrégations, instituts séculiers, …) viennent puiser à la source de notre charisme. Elles forment aujourd’hui la famille carmélitaine.

Les Carmes Déchaux sont actuellement 4000 dans le monde : ils vivent dans des couvents répartis en Provinces. Notre Province de ­Paris, comprenant la moitié Nord de la France et l’Irak, compte 4 couvents : Avon, Bagdad, Lisieux et Paris.

Notre vie de Carmes Déchaux

Nous sommes des religieux contemplatifs et apostoliques vivant dans des communautés fraternelles. Selon le charisme reçu de sainte ­Thérèse d’Ávila, notre vie se développe à travers trois dimensions qui structurent notre vie.

Pour en savoir plus : Le Carmel en France

Les vœux solennels

Pendant le temps de vœux temporaires qui dure habituellement 5 ans, les frères poursuivent l’apprentissage de la vie carmélitaine tout en suivant une formation intellectuelle qui les prépare à leur future mission. Ils vivent dans la communauté du studentat.

Au terme de cette période, le frère peut demander à s’engager définitivement dans l’Ordre des Carmes Déchaux par des vœux solennels. Cela nécessite un vote de la communauté éducative et la décision du Provincial qui tiennent compte de la maturité humaine et spirituelle du frère. Le frère admis à la profession solennelle est ensuite nommé par le Provincial dans un des couvents de la Province avec de possibles responsabilités locales ou provinciales.

Le discernement de l’ordination (devenir prêtre au sein de notre Ordre) se fait pendant cette période des voeux temporaires. L’éventuelle ordination a lieu au moins deux ans après la profession définitive pour permettre un enracinement profond du profès dans notre genre de vie.

Ce chemin d’humanité et d’approfondissement spirituel, survenant dans le contexte des études, ne saurait se faire sans « un accompagnement » fraternel. Comment se risquer « si personne ne me guide ? » nous rappellent les Actes des Apôtres (Ac 8, 31). Cela justifie donc (comme au noviciat) la place du maître de formation (Maître des étudiants) aux côtés du frère afin que ce dernier avance dans la liberté sur le chemin de la vie fraternelle et les voies de l’intériorité. La connaissance de soi que cela produira créera les conditions d’un vrai discernement et d’un choix libre.

Les premiers vœux

À la fin du noviciat, un vote de la communauté éducative détermine si le novice est en mesure de s’engager dans l’Ordre du Carmel. Cela s’appelle faire profession. C’est le Père Provincial qui admet le novice à faire profession avec le consentement de la communauté éducative. Les constitutions précisent : « La profession temporaire sera émise pour une durée qui ne sera pas inférieure à trois ans, ni supérieure à six ans ». Ces dispositions canoniques (lois de l’Église et Constitutions), indépendamment de leur nécessité, attestent que le frère novice a reçu les éléments fondamentaux à même de l’insérer dans la vie de l’Ordre.

Cette décision confirme également que, dans le cadre du noviciat, le frère a reçu effectivement une formation spirituelle suffisante le rendant apte à poursuivre l’aventure carmélitaine durant les années de profession temporaire. Par cette première profession, le frère s’engage ainsi à vivre les vœux de chasteté, pauvreté et obéissance durant trois ans. Il renouvellera ses voeux ensuite pendant deux ans. Ainsi le temps des voeux temporaires dure habituellement cinq ans.

Lors de ses premiers vœux, le nouveau religieux reçoit l’habit de l’Ordre, comme signe d’une nouvelle naissance : appel à être un homme nouveau et expression de l’incorporation à l’ordre du Carmel. Il rejoint ensuite le couvent du Studentat de la Province établi à Paris, rue Jean Ferrandi, situé à proximité des facultés de théologie. Il approfondira pendant ces années son engagement dans la vie religieuse avec l’aide de nouvelles expériences (études, apostolats, responsabilités) avant d’envisager peut-être la profession solennelle.

Le noviciat

Entrer au désert

L’entrée au noviciat se fait par la remise d’un « petit habit » (vêtement à capuche) lors d’une célébration privée. Le noviciat est une expérience de désert. Le novice ne voit pas sa famille et ses amis pendant ce temps. Il y a une mise à distance par rapport aux moyens techniques de communication afin de vérifier l’aptitude du novice à assumer une certaine solitude pour Dieu. La pédagogie est une pédagogie du désert, ce qui permet au novice de mieux se connaître, de s’attacher à la personne de Jésus-Christ, d’apprendre à se laisser conduire par l’Esprit en faisant le choix de l’Unique Nécessaire. Le novice approfondit son expérience de vie fraternelle par le partage la vie de la communauté. Il continue à creuser sa connaissance des grands saints du Carmel et de la vie religieuse. Le novice fait l’expérience d’un regard qui se transforme, et lui donne de voir les vœux de chasteté, de pauvreté, d’obéissance, non comme une perte, mais comme un amour qui se donne pour répondre à un amour qui appelle.

Où t’es-tu caché, Bien-Aimé ?
Tu m’as abandonnée dans les gémissements
Comme le cerf blessé tu as fui m’ayant blessée.
Je sortis à ta poursuite en criant, et tu étais parti.
Saint Jean de la Croix, Cantique Spirituel B

Le noviciat dure, en général, un an durant lequel un discernement se poursuit ; il est ponctué par trois votes de la communauté éducative. Pendant le noviciat, les novices de la Province de Paris participent à des sessions d’internoviciat qui regroupent une fois par mois pendant deux ou trois jours, des novices de différents instituts religieux. On y approfondit, par un apport pratique, théologique et anthropologique, les différents aspects de la vie religieuse. Ces sessions sont préparées et reprises par les novices et leur formateur selon la spiritualité et le mode de vie propres au Carmel.

Le postulat

A la suite de séjours en communauté ayant permis de vérifier si l’appel entendu correspond à la vocation du Carmel telle qu’elle est vécue concrètement dans notre Province de Paris et si le candidat a les aptitudes pour répondre à cette vocation, il peut faire la demande d’entrer au postulat. Cette demande est adressée au Père Provincial qui est le Supérieur de la Province.

Le postulat se vit à l’intérieur de la communauté de formation (à Avon). Il permet une entrée progressive dans la vie religieuse carmélitaine. La durée du postulat est habituellement d’un an, entre 9 mois et deux ans suivant la situation de chacun.

Un temps d’approfondissement du désir de Dieu

« Je sais bien une source qui jaillit et s’écoule
Bien que ce soit de nuit.
Cette source éternelle est cachée,
Mais je sais bien où elle prend naissance,
Bien que ce soit de nuit. »

Saint Jean de la Croix

Un temps d’apprivoisement de la vie communautaire

Le postulant participe à la vie de la communauté dans ses différents aspects : oraison, vie liturgique, lecture méditée de la Parole de Dieu (lectio divina), services, repas, travail, temps de détente et de rencontres communautaires. Les postulants gardent contact avec leurs familles et leurs amis qui peuvent venir les voir. Pendant le postulat, les postulants peuvent faire des séjours en famille. Ils ont également un petit temps d’apostolat à Avon ou Fontainebleau.

Un temps de formation

 La formation est personnalisée et prend en compte les besoins de chacun, notamment sur le plan humain (savoir-être, expression orale et écrite, équilibre psychologique) pour que la vie religieuse soit fondée sur une humanité assumée. Des repères sont donnés en ce sens : virilité, développement psycho-affectif, rapport à Internet, liberté et don de soi. Le temps du postulat permet également de (re)visiter les fondamentaux de la vie chrétienne : sacrements, liturgie des heures, discernement et relecture, lectio divina, etc.

L’initiation à l’oraison et à la vie fraternelle se fait à partir de l’expérience des grands saints du Carmel (Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Thérèse de Lisieux) et de l’expérience du quotidien. Une formation à la Bible est donnée par des cours à Paris ou par des frères. Le postulant apprend à s’éveiller et à développer un regard théologal, c’est à dire un regard renouvelé par la foi, l’espérance et la charité.

Un temps de discernement

Chaque postulant est accompagné par le responsable de formation appelé « maître des postulants ». Il va aider le postulant à voir clair dans ses motivations, discerner si c’est bien un appel à la vie religieuse au Carmel et si le candidat a les aptitudes nécessaires pour répondre à son appel. Vers la fin du postulat, le postulant fait sa demande au Provincial d’entrer au noviciat. Après le vote de la communauté éducative, le postulant entre au noviciat au cours d’une célébration privée.

Frère Gérard-Marie raconte-moi ton appel ?

Je suis né en Tunisie où j’ai passé une partie de mon enfance. Avant mon entrée au postulat, en septembre 1996, je vivais à Montereau (77), exerçant le métier d’instituteur depuis de longues années dans la Z.U.P./Z.E.P.* de Montereau-Surville. Cette cité, comme tant d’autres à population majoritairement démunie ou immigrée, connaît, certes, ses difficultés ; enfant de ce quartier, je demeurais surtout témoin de ses richesses. De plus, je le savais « porté » par la prière d’un Carmel proche, celui de Forges. C’est en 1973-74 que, rendant régulièrement visite à des amis Oblats de Marie-Immaculée (O.M.I.) à la Brosse-Montceau (77), je rencontrais pour la première fois des Carmélites. La communauté occupait provisoirement l’ancien séminaire O.M.I. (un château !) Il s’agissait des Carmélites de Fontainebleau – « en itinérance » – attendant la fin de la construction de leur nouveau monastère, à Forges.


Je fréquentais depuis longtemps les O.M.I., les Bénédictins (à qui je devais mon retour à l’Église), mais sur mon chemin, une amitié inattendue naissait, lentement, avec le Carmel. C’est toutefois un peu plus tard que je me suis reconnu dans «cet esprit», lorsqu’un ami prêtre insista pour me faire découvrir une figure du Carmel : le Père Jacques de Jésus, un éducateur, un enseignant (et un prêtre) que le Carmel attira. J’entrevoyais avec étonnement une expression masculine du Carmel ! Des séjours en Terre Sainte confirmèrent cet attrait. Sans tarder, je me suis mis à fréquenter régulièrement le couvent des Carmes d’Avon. Mais l’entrée au Carmel survint dix ans après !

Le Carmel m’est donc « apparu » à travers des Carmélites et j’étais bien loin de savoir, au début, que sainte Thérèse d’Avila en était la réformatrice. Aujourd’hui, en lisant le Château de l’âme de Thérèse de Jésus, je ne peux m’empêcher de penser en souriant que ma première rencontre avec le Carmel eut pour cadre un château (bien matériel) qu’occupaient provisoirement des Carmélites. Pouvais-je imaginer, à cette époque, les développements de cette première rencontre ? Je remercie le Seigneur pour les chemins par lesquels Il sait nous conduire !

*Z.E.P. : Zone d’Éducation Prioritaire (terminologie de l’Éducation Nationale).


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Frère Guillaume, raconte-moi ton appel?

Faire le récit de ‘ma’ vocation, c’est reconnaître que justement elle n’est pas complètement mienne. C’est témoigner des dons de Dieu et repérer dans ma vie les rencontres, les expériences, les figures, les lectures etc… avec lesquelles le Seigneur m’a appelé à la vie religieuse au Carmel. C’est faire aussi un retour dix ans en arrière.

L’appel de Dieu s’est imposé à moi comme une évidence alors que j’avais vingt ans. Mais il m’a fallu plusieurs étapes pour découvrir le Carmel, éclairer et vérifier cet appel et finalement y répondre. A cette époque, étudiant les passionnantes mathématiques, je ne m’étais jamais posé la question de la vie religieuse. Né dans une famille catholique pratiquante mais sans zèle ecclésial particulier – à qui pourtant je dois le baptême et la foi –, je fréquentais depuis mon entrée à l’École Normale, l’aumônerie étudiante qui me permit d’approfondir le contenu de ma foi et l’histoire de la spiritualité chrétienne. Elle fut aussi l’occasion de rencontres décisives.

C’est une expérience spirituelle de joie profonde qui me mit en marche : obscure mais certaine, je l’éprouvai comme un appel de Dieu à le suivre. Pourtant, impression n’est pas raison ! Je ne savais d’ailleurs pas trop quoi faire : deux mois se passèrent ainsi. La parole d’un prêtre au cours d’une confession me décida à agir : j’allai rencontrer l’aumônier étudiant pour lui parler de ce que je vivais. Commença pour moi l’expérience précieuse de l’accompagnement spirituel, qui me permit d’affermir ma vie chrétienne et de l’éclairer par la relecture de ma vie. Tout était encore flou mais une sorte de feu brûlant attisait en moi vigilance et détermination dans ‘ma’ recherche. Deux « indices » furent déterminants : la découverte de la vie religieuse et celle de la spiritualité du Carmel.

"Le chemin d’une vie simple mais remplie de Dieu..."

La première se fit naturellement : l’aumônier était religieux assomptionniste. J’allais le rencontrer dans sa communauté, dont je me mis à fréquenter régulièrement la liturgie. Ce genre de vie m’intriguait et m’attirait : mener, au nom d’une même vocation, la vie commune à la suite du Christ, au service de l’Église, au défi des antagonismes de personnalités ou d’opinion. J’eus contact avec le second indice sans le savoir ! En effet, Bernanos était depuis mes treize ans un auteur de prédilection. C’est ‘par son intermédiaire’ que je mis à lire sainte Thérèse de Lisieux. J’eus de l’engouement pour L’Histoire d’une âme où Thérèse me montrait le chemin d’une vie simple mais remplie de Dieu. Pourtant, je n’approfondissais pas ce que pouvait être sa patrie spirituelle, le Carmel. Une rencontre fut là encore importante : un ami étudiant me signala le déroulement d’une retraite prêchée à l’Institut Notre Dame de Vie, un institut séculier de spiritualité carmélitaine, fondé par un carme, le père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (= 1967). J’allais à Venasque (près de 900 km en voiture !) tel Abraham quittant Ur et « marchant sans savoir où il allait » ! Je dois beaucoup à cette retraite : l’apprentissage de la prière silencieuse dans la tradition thérésienne, une prédication ardente et intelligente, la découverte des grandes figures de sainteté carmélitaines (je pus ainsi redécouvrir sainte Thérèse de Lisieux !), l’écoute attentive et avisée de deux prêtres de Notre Dame de Vie. Bref, la beauté du Carmel m’éblouissait ! L’appel du Christ se confirmait et se précisait. Heureux moment ! A la suite d’une grâce reçue dans la prière où je prenais conscience de cela, je m’engageais à mener une vie de prière régulière à l’école de sainte Thérèse d’Avila.

Je repartais enthousiaste, riche de nombreuses découvertes mais toujours en recherche. En bon logicien et par conjugaison de mes deux indices – la vie religieuse et la spiritualité du Carmel – je ne tardais pas à découvrir le couvent des Carmes d’Avon ! J’allais comprendre que le Seigneur m’y attendait. Certes on ne trouve pas sa vocation par conjugaison d’indices mais justement, je n’y trouvais pas seulement ce que j’avais cherché ! La liturgie, le visage de la communauté, le mode de vie m’intéressaient. Bientôt je parlais avec un frère qui me renvoya au maître des postulants. Compte tenu de la situation de mes études et de mon âge, rien ne pressait.

Je quittais Avon, sûr d’avoir trouvé ce que je cherchais depuis un an environ. Dans ma joie, j’aurais été prêt à rentrer à Avon le lendemain ! Mais la patience imposée me fut bénéfique : trois ans pour terminer ma scolarité et faire mon service national, trois ans pour mûrir mon choix, l’affiner, l’attendre sans impatience. Je pus mettre cette période à profit en vivant deux ans dans la communauté assomptionniste que je connaissais et qui proposait à des jeunes qui se posaient la question de la vie religieuse de participer à la vie communautaire. Je dois beaucoup à cette communauté : elle fut pour moi en quelque sorte un pré-postulat et déjà une sacrée formation à la vie religieuse. Durant cette période, l’expérience quotidienne de la prière silencieuse a joué un rôle important : par cette relation avec le Seigneur dans l’obscurité de la foi, ma détermination à le suivre s’est affermie, ainsi que ma connaissance du Christ et la prise de conscience de ma faiblesse – qui loin d’être un obstacle à la rencontre de Dieu peut être l’expérience de sa miséricorde – Ma lecture régulière du Livre des Demeures et de Je veux voir Dieu me fit beaucoup réfléchir sur la vie spirituelle, ses écueils et ses étapes.

Le récit d’une vocation ne s’arrête pas avec l’entrée au postulat. Les périodes de formation (postulat, noviciat, études de théologie) vérifient de l’intérieur l’appel du Seigneur, le mettent à l’épreuve – du temps et des frères – et la purifient de certaines illusions. Après ce travail de mémoire, je veux rendre grâce au Seigneur pour ses dons : la joie secrète qu’il me donne à le suivre, l’assurance de son appel déposée au fond du cœur, l’émerveillement de le rencontrer dans la prière. Tout cela continue bien sûr après la profession solennelle : une vocation est un appel qui se reçoit chaque jour et auquel on répond chaque jour.


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Frère Denis-Marie, raconte-moi ton appel ?

La confiance en la Miséricorde infinie de Dieu qui nous aime chacun personnellement. C’est bien cette belle expérience qui m’a été donnée de vivre à travers des nuits et le jour sans fin de sa présence. Jésus prend le temps de se laisser découvrir comme quelqu’un qui est là, tout proche. Il n’oublie jamais le dessein d’amour qu’il a pour nous. Tout jeune, je suis déjà attiré par l’absolu que je crois découvrir dans la Bonne Nouvelle… Mon enfance est très marquée par cette quête et ainsi tout ce qui peut répondre à cet idéal m’attire : les homélies de certains prêtres à forte personnalité, le contact avec les adultes… Cependant je vis le malaise de désirs très profonds si peu incarnés dans la réalité. Je me sens incompris, mis sur la touche. De nombreux déménagements et les ruptures qu’ils impliquent me touchent beaucoup… Mais le Seigneur me donne la grâce de la persévérance, de désirer plus, la force de ne pas me décourager… et voilà, à douze ans, son premier appel… précédé par une question : « Veux-tu devenir prêtre ? » Ou plutôt, « Acceptes-tu cette possibilité ? » Préparé pour ma profession de foi par une retraite, j’étais alors dans mon élément ! Je me vois annoncer tout tremblant à mes camarades le désir de donner ma vie au service du Seigneur…

"Je désirais aimer totalement, complètement, tout de suite..."

Le Seigneur préparait mon cœur alors que commençait une longue et douloureuse nuit. Je ne trouvais point mon bonheur : Je désirais aimer totalement, complètement, tout de suite et la vie quotidienne se chargeait de me blesser dans cette attente. Jésus ? J’allais alors bien à la messe chaque dimanche mais je ne me laissais pas rencontrer par lui. Je me retrouvais seul avec mon désir et m’évadais dans le rêve ou dans des ambitions intellectuelles. Je restais déçu par la réalité dans laquelle je vivais alors : très sensible et émotif, je ressentais vivement la superficialité de la vie, ou plutôt celle dont je faisais l’expérience autour de moi et en moi. De plus, je me sentais prisonnier de moi-même, faible et pauvre, incapable de réaliser mon désir d’absolu. Ainsi enfermé, je réagissais… ce qui aggravait ma condition. Mais Jésus était présent et me permettait, grâce à des amitiés fidèles, d’espérer l’aurore !

Enfermé, replié sur moi-même, je me sentais coupable de me voir à la fois si imparfait et si insatisfait de l’être et de ne pouvoir sortir de ce cercle vicieux. Je poursuivais pourtant ma route et m’orientais vers des études commerciales et financières en pensant ainsi me valoriser. C’est alors que je découvre qu’il est possible de vraiment partager avec quelqu’un grâce à une intense correspondance avec une Australienne ; des amis m’apprécient, des choses se préparent pour me rendre disponible à une visite… Celle de Jésus.

Jeune étudiant à Nancy, je cherche une église proche de chez moi. Première homélie… sur l’amour de Dieu. Je suis enchanté ! Désormais, chaque dimanche, je suis heureux… mais Jésus reste encore impersonnel pour moi et le quotidien est toujours si enfoui sous mes questions… Un an et demi plus tard, au temps du Carême 1992, je passe un soir devant cette église, j’assiste pour la première fois à la messe de semaine ; désormais, tous les jours, Jésus m’invitera… Il se rapproche et me fait comprendre qu’il veut être mon ami chaque jour. Je vis cette rencontre, qui au départ me permet de souffler, de m’échapper, ceci durant neuf mois jusqu’au jour où, par l’intermédiaire du prêtre, Jésus m’appelle … : « Il est temps de réfléchir à approfondir ta relation à moi avec d’autres (ceci est vraiment important et tu trouveras ton chemin)… » Ce fut alors l’avalanche de grâces ; avant cela je répétais chaque jour à Jésus : « Que veux-tu de moi ? » Et voilà qu’il me donnait désormais tous les moyens de le découvrir et surtout de le découvrir, lui, comme personne présente, agissante, dans ma vie.

Cela se concrétise par une multitude de propositions : on me propose d’être chef scout, ce que j’accepte malgré mes doutes sur moi-même. Par la suite, je prends part à un groupe de jeunes à la recherche de leur vocation dans l’Église. Étape décisive : je reçois un directeur spirituel. Je me réconcilie avec moi-même, fais sincèrement le point et connais bien souvent la grâce de la Réconciliation : accueil privilégié de l’Amour miséricordieux de Dieu et moments d’intense paix.

"Jésus m’envoie une amie pour me guider : Thérèse de l’Enfant Jésus..."

Le 14 novembre 1992 dans l’après-midi, un livre que je ne cherchais pas du tout alors, tombe sous mon regard dans une bibliothèque : Jésus m’envoie une amie pour me guider : Thérèse de l’Enfant Jésus. La lecture de l’Histoire d’une âme qui raconte sa vie me transforme en trois jours ! Je suis bouleversé de trouver ce que je cherchais depuis si longtemps… La paix m’envahit… Je comprends que Dieu n’est qu’Amour et qu’il ne demande de nous que la confiance et l’humilité : un cœur jamais lassé, jamais découragé, revenant toujours à lui, lui présentant nos vies, ses faiblesses et ses joies.

Désormais, je n’étais plus seul. Lors d’une réunion de mon groupe de prière charismatique, je reçois cet appel – « Suis-moi ! » Où, Seigneur ? Il allait très vite me montrer qu’il m’attendait au Carmel. Alors en stage de fin d’études au Luxembourg, je passais mes soirées en prière au Carmel et les concluais par l’office de complies et des lectures avec les sœurs. Je me sentis alors appelé à Lisieux et là me fut donné de recevoir les coordonnées des frères carmes d’Avon. Sans penser à devenir carme, je décide de faire connaissance et dès le premier séjour… au fond du cœur je perçois cet appel dans une paix profonde : c’est là !

Je suis entré au Carmel le 14 octobre 1993. Là, Jésus me comble par sa présence. Souvent tenté de me regarder moi-même, c’est en le regardant, lui, que j’ai compris son amour, qu’il m’a montré le chemin.

Après une telle expérience qui se poursuit, je t’invite à la confiance en Jésus. Quelles que soient ta situation, tes questions, il est la réponse… Son amour est plus grand que notre pauvreté. Il veut te rendre heureux de lui et si tu t’abandonnes à lui tel que tu es, il fait merveille. Il ouvre ton cœur et te révèle le trésor qui est toujours en toi, même au plus profond de la nuit : j’apprends peu à peu que désirer dépendre de lui, voilà la Vie, la vraie liberté pour aimer.


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Frère Cyril, raconte-moi ton appel ?

Frère Cyril de la Compassion de Marie a fait sa profession solennelle le 25 novembre 2012 à St Joseph des Carmes à Paris. Il est actuellement en communauté au couvent de Paris où il est investi dans plusieurs apostolats.

Août 2005, les JMJ, Cologne. Encore surpris de m’y être rendu, je mesurais le chemin parcouru : la découverte de la foi chrétienne, ma rencontre avec Jésus-Christ le jeudi 19 mars 1998, avaient bousculé ma vie. Lorrain d’origine, ma famille m’avait enseigné la valeur de la bonne volonté, et je découvrais avec stupeur (je vous assure !) que je ne pouvais aimer le Christ sans aimer son Église. J’acceptai alors, malgré mon tempérament solitaire, l’invitation de mon curé à me rendre aux JMJ de Cologne. J’ignorais que ces JMJ étaient l’événement où Notre-Seigneur m’attendait pour répondre à ma question !

"Je laissais carte blanche à notre Mère pour que son Fils accomplisse en moi sa promesse"

Laquelle ? Celle que je lui avais adressée, par l’intermédiaire de la Vierge Marie, cinq mois auparavant. Je laissais carte blanche à notre Mère pour que son Fils accomplisse en moi sa promesse : « je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en surabondance » [Jn 10,10]. Il me manquait en effet « quelque chose », je le voyais bien… mais je ne m’attendais pas à ce qu’Il me réponde de tout quitter pour le suivre !…

Il faut dire que j’avais déjà 31 ans, le boulot marchait bien, je commençais à payer beaucoup d’impôts. La carte blanche donnée à Marie était simple : d’un côté je lui laissais me dire ce qui me manquait, quoique cela soit. Je m’engageais à faire tout ce qu’elle me dirait (Jn 2,5). Mais en contrepartie, je lui laissais jusqu’au 31 décembre pour me répondre. Était-ce une mise à l’épreuve ? Je me suis souvent posé la question. Il me semble que non : en effet, me disais-je, j’essaie de faire preuve de droiture d’esprit et si le Seigneur ne répond pas à ma prière (alors que je cherche et m’engage à suivre Sa propre Volonté), c’est que je serais plus droit que Lui et cela, c’est impossible. Tel était mon état d’esprit.

En août, je partis donc aux JMJ où je décidai, un soir, d’aller assister à une pièce de théâtre. C’était une pièce sur sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, que je ne connaissais pas. Ce fut là l’heure du Seigneur pour moi. Je fus tout à coup retranché en mon for intérieur, tant une évidence claire et intérieure y émergea : j’étais appelé à embrasser la vie religieuse… et je n’y avais jamais songé ! Cependant j’étais apeuré aussi : la vie religieuse, mais qu’est-ce que c’est ? Tous mes projets, ma vie, devenaient tout à coup si pâles en regard de cette vie (religieuse) que je ne connaissais pas !…

Quand je repris mes esprits, la pièce était finie, j’avais tout raté. Je me retrouvai isolé, au milieu d’italiens chantant et braillant joyeusement à tout-va. Ma peur commençait à disparaître progressivement, mais la clarté intérieure, la certitude de l’appel, demeuraient. Restait un « détail » : où ??? Je n’avais pas fait le lien entre Thérèse-Bénédicte de la Croix, ma vocation, et le Carmel !

Toujours dans l’église, je me mis à réfléchir. Je me souvins alors d’une rencontre vraiment enthousiasmante avec des religieux d’une Communauté Nouvelle. Pas la peine d’aller plus loin !

Je pris la voiture (une fois revenu des JMJ), fit 900 km pour aller les rejoindre. Et là… Ce fut terrible. Le jour, c’était formidable : liturgie fantastique, belle chaleur humaine, etc. Mais la nuit je me réveillais en plein combat : mon cœur me disait : NON. Ma raison me disait : SI, tout est là pour me plaire, tout ! Rien ne manque. Et mon cœur réaffirmait : NON, je ne saurais dire pourquoi, mais en restant ici je finirai essoufflé… Ce fut pour moi un moment vraiment douloureux. Déchiré entre une raison me disant OK et un cœur me disant douloureusement – mais fermement – « non », je finis par repartir.

J’étais comme un boxeur sonné, ayant livré le meilleur de lui-même au combat, mais ayant échoué. D’un autre côté, je prenais sur moi et affirmais au Seigneur que je ne lui en voulais pas. Je continuerai à faire bonne mine, je ne dirai rien aux collègues de bureau. Malgré toute mon aspiration à embrasser la vie religieuse, je ne me voyais pas feuilleter un annuaire des congrégations religieuses pour jauger celle qui me correspondrait le mieux. Et puis, le 31 décembre n’était pas encore arrivé. Le Seigneur avait la main, j’avais retiré la mienne (tout en restant disponible pour accueillir Sa Volonté sur moi).

Trois ou quatre semaines après, au cours d’un chapelet chez moi, me revint à la mémoire la parole de mon prêtre de paroisse, à qui j’avais partagé lors des JMJ mon appel à la vie religieuse. Mais c’était bien plus qu’un souvenir, c’était le Seigneur lui-même qui m’adressait la parole par son intermédiaire.  C’était à la fois ce prêtre et Jésus lui-même : « tu sais Cyril, quand tu m’as dis que tu voulais embrasser la vie religieuse, j’ai tout de suite pensé au Carmel pour toi ». C’était lumineux, comme un éclair. L’évidence était là, tranquille, claire, et pourtant ! Là encore je ne comprenais pas. Je me disais : comment est-ce possible ? Le Carmel, ce sont les carmélites, les carmélites, ce sont des femmes, et moi… en tant qu’homme je suis ‘‘biologiquement’’ incompatible ! Le lendemain, je partais à la librairie me documenter sur le Carmel, je découvrais l’existence des carmes et notamment de St Jean de la Croix.

Je décidai de regarder sur internet s’il y avait des frères du Carmel en France et, surtout, je me mis à aller à Avon, début novembre. J’y découvris une vie à la fois toute nouvelle (l’oraison, que je ne connaissais pas encore, la vie silencieuse, la vie conventuelle) et familière, si familière que rien ne m’étonnait. Le 31 décembre n’était pas encore arrivé, mais la Sainte Vierge m’avait répondu. Elle m’avait rendu ma carte blanche comme on remet une carte de visite. Y était désormais inscrit : Vierge Marie du Mont Carmel, ta Mère.

Ce fut alors le début de mon chemin avec le Carmel, avec la Province de Paris, avec mes frères…


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