Frère Gérard-Marie raconte-moi ton appel ?

Je suis né en Tunisie où j’ai passé une partie de mon enfance. Avant mon entrée au postulat, en septembre 1996, je vivais à Montereau (77), exerçant le métier d’instituteur depuis de longues années dans la Z.U.P./Z.E.P.* de Montereau-Surville. Cette cité, comme tant d’autres à population majoritairement démunie ou immigrée, connaît, certes, ses difficultés ; enfant de ce quartier, je demeurais surtout témoin de ses richesses. De plus, je le savais « porté » par la prière d’un Carmel proche, celui de Forges. C’est en 1973-74 que, rendant régulièrement visite à des amis Oblats de Marie-Immaculée (O.M.I.) à la Brosse-Montceau (77), je rencontrais pour la première fois des Carmélites. La communauté occupait provisoirement l’ancien séminaire O.M.I. (un château !) Il s’agissait des Carmélites de Fontainebleau – « en itinérance » – attendant la fin de la construction de leur nouveau monastère, à Forges.


Je fréquentais depuis longtemps les O.M.I., les Bénédictins (à qui je devais mon retour à l’Église), mais sur mon chemin, une amitié inattendue naissait, lentement, avec le Carmel. C’est toutefois un peu plus tard que je me suis reconnu dans «cet esprit», lorsqu’un ami prêtre insista pour me faire découvrir une figure du Carmel : le Père Jacques de Jésus, un éducateur, un enseignant (et un prêtre) que le Carmel attira. J’entrevoyais avec étonnement une expression masculine du Carmel ! Des séjours en Terre Sainte confirmèrent cet attrait. Sans tarder, je me suis mis à fréquenter régulièrement le couvent des Carmes d’Avon. Mais l’entrée au Carmel survint dix ans après !

Le Carmel m’est donc « apparu » à travers des Carmélites et j’étais bien loin de savoir, au début, que sainte Thérèse d’Avila en était la réformatrice. Aujourd’hui, en lisant le Château de l’âme de Thérèse de Jésus, je ne peux m’empêcher de penser en souriant que ma première rencontre avec le Carmel eut pour cadre un château (bien matériel) qu’occupaient provisoirement des Carmélites. Pouvais-je imaginer, à cette époque, les développements de cette première rencontre ? Je remercie le Seigneur pour les chemins par lesquels Il sait nous conduire !

*Z.E.P. : Zone d’Éducation Prioritaire (terminologie de l’Éducation Nationale).


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Frère Guillaume, raconte-moi ton appel?

Faire le récit de ‘ma’ vocation, c’est reconnaître que justement elle n’est pas complètement mienne. C’est témoigner des dons de Dieu et repérer dans ma vie les rencontres, les expériences, les figures, les lectures etc… avec lesquelles le Seigneur m’a appelé à la vie religieuse au Carmel. C’est faire aussi un retour dix ans en arrière.

L’appel de Dieu s’est imposé à moi comme une évidence alors que j’avais vingt ans. Mais il m’a fallu plusieurs étapes pour découvrir le Carmel, éclairer et vérifier cet appel et finalement y répondre. A cette époque, étudiant les passionnantes mathématiques, je ne m’étais jamais posé la question de la vie religieuse. Né dans une famille catholique pratiquante mais sans zèle ecclésial particulier – à qui pourtant je dois le baptême et la foi –, je fréquentais depuis mon entrée à l’École Normale, l’aumônerie étudiante qui me permit d’approfondir le contenu de ma foi et l’histoire de la spiritualité chrétienne. Elle fut aussi l’occasion de rencontres décisives.

C’est une expérience spirituelle de joie profonde qui me mit en marche : obscure mais certaine, je l’éprouvai comme un appel de Dieu à le suivre. Pourtant, impression n’est pas raison ! Je ne savais d’ailleurs pas trop quoi faire : deux mois se passèrent ainsi. La parole d’un prêtre au cours d’une confession me décida à agir : j’allai rencontrer l’aumônier étudiant pour lui parler de ce que je vivais. Commença pour moi l’expérience précieuse de l’accompagnement spirituel, qui me permit d’affermir ma vie chrétienne et de l’éclairer par la relecture de ma vie. Tout était encore flou mais une sorte de feu brûlant attisait en moi vigilance et détermination dans ‘ma’ recherche. Deux « indices » furent déterminants : la découverte de la vie religieuse et celle de la spiritualité du Carmel.

"Le chemin d’une vie simple mais remplie de Dieu..."

La première se fit naturellement : l’aumônier était religieux assomptionniste. J’allais le rencontrer dans sa communauté, dont je me mis à fréquenter régulièrement la liturgie. Ce genre de vie m’intriguait et m’attirait : mener, au nom d’une même vocation, la vie commune à la suite du Christ, au service de l’Église, au défi des antagonismes de personnalités ou d’opinion. J’eus contact avec le second indice sans le savoir ! En effet, Bernanos était depuis mes treize ans un auteur de prédilection. C’est ‘par son intermédiaire’ que je mis à lire sainte Thérèse de Lisieux. J’eus de l’engouement pour L’Histoire d’une âme où Thérèse me montrait le chemin d’une vie simple mais remplie de Dieu. Pourtant, je n’approfondissais pas ce que pouvait être sa patrie spirituelle, le Carmel. Une rencontre fut là encore importante : un ami étudiant me signala le déroulement d’une retraite prêchée à l’Institut Notre Dame de Vie, un institut séculier de spiritualité carmélitaine, fondé par un carme, le père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus (= 1967). J’allais à Venasque (près de 900 km en voiture !) tel Abraham quittant Ur et « marchant sans savoir où il allait » ! Je dois beaucoup à cette retraite : l’apprentissage de la prière silencieuse dans la tradition thérésienne, une prédication ardente et intelligente, la découverte des grandes figures de sainteté carmélitaines (je pus ainsi redécouvrir sainte Thérèse de Lisieux !), l’écoute attentive et avisée de deux prêtres de Notre Dame de Vie. Bref, la beauté du Carmel m’éblouissait ! L’appel du Christ se confirmait et se précisait. Heureux moment ! A la suite d’une grâce reçue dans la prière où je prenais conscience de cela, je m’engageais à mener une vie de prière régulière à l’école de sainte Thérèse d’Avila.

Je repartais enthousiaste, riche de nombreuses découvertes mais toujours en recherche. En bon logicien et par conjugaison de mes deux indices – la vie religieuse et la spiritualité du Carmel – je ne tardais pas à découvrir le couvent des Carmes d’Avon ! J’allais comprendre que le Seigneur m’y attendait. Certes on ne trouve pas sa vocation par conjugaison d’indices mais justement, je n’y trouvais pas seulement ce que j’avais cherché ! La liturgie, le visage de la communauté, le mode de vie m’intéressaient. Bientôt je parlais avec un frère qui me renvoya au maître des postulants. Compte tenu de la situation de mes études et de mon âge, rien ne pressait.

Je quittais Avon, sûr d’avoir trouvé ce que je cherchais depuis un an environ. Dans ma joie, j’aurais été prêt à rentrer à Avon le lendemain ! Mais la patience imposée me fut bénéfique : trois ans pour terminer ma scolarité et faire mon service national, trois ans pour mûrir mon choix, l’affiner, l’attendre sans impatience. Je pus mettre cette période à profit en vivant deux ans dans la communauté assomptionniste que je connaissais et qui proposait à des jeunes qui se posaient la question de la vie religieuse de participer à la vie communautaire. Je dois beaucoup à cette communauté : elle fut pour moi en quelque sorte un pré-postulat et déjà une sacrée formation à la vie religieuse. Durant cette période, l’expérience quotidienne de la prière silencieuse a joué un rôle important : par cette relation avec le Seigneur dans l’obscurité de la foi, ma détermination à le suivre s’est affermie, ainsi que ma connaissance du Christ et la prise de conscience de ma faiblesse – qui loin d’être un obstacle à la rencontre de Dieu peut être l’expérience de sa miséricorde – Ma lecture régulière du Livre des Demeures et de Je veux voir Dieu me fit beaucoup réfléchir sur la vie spirituelle, ses écueils et ses étapes.

Le récit d’une vocation ne s’arrête pas avec l’entrée au postulat. Les périodes de formation (postulat, noviciat, études de théologie) vérifient de l’intérieur l’appel du Seigneur, le mettent à l’épreuve – du temps et des frères – et la purifient de certaines illusions. Après ce travail de mémoire, je veux rendre grâce au Seigneur pour ses dons : la joie secrète qu’il me donne à le suivre, l’assurance de son appel déposée au fond du cœur, l’émerveillement de le rencontrer dans la prière. Tout cela continue bien sûr après la profession solennelle : une vocation est un appel qui se reçoit chaque jour et auquel on répond chaque jour.


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Frère Denis-Marie, raconte-moi ton appel ?

La confiance en la Miséricorde infinie de Dieu qui nous aime chacun personnellement. C’est bien cette belle expérience qui m’a été donnée de vivre à travers des nuits et le jour sans fin de sa présence. Jésus prend le temps de se laisser découvrir comme quelqu’un qui est là, tout proche. Il n’oublie jamais le dessein d’amour qu’il a pour nous. Tout jeune, je suis déjà attiré par l’absolu que je crois découvrir dans la Bonne Nouvelle… Mon enfance est très marquée par cette quête et ainsi tout ce qui peut répondre à cet idéal m’attire : les homélies de certains prêtres à forte personnalité, le contact avec les adultes… Cependant je vis le malaise de désirs très profonds si peu incarnés dans la réalité. Je me sens incompris, mis sur la touche. De nombreux déménagements et les ruptures qu’ils impliquent me touchent beaucoup… Mais le Seigneur me donne la grâce de la persévérance, de désirer plus, la force de ne pas me décourager… et voilà, à douze ans, son premier appel… précédé par une question : « Veux-tu devenir prêtre ? » Ou plutôt, « Acceptes-tu cette possibilité ? » Préparé pour ma profession de foi par une retraite, j’étais alors dans mon élément ! Je me vois annoncer tout tremblant à mes camarades le désir de donner ma vie au service du Seigneur…

"Je désirais aimer totalement, complètement, tout de suite..."

Le Seigneur préparait mon cœur alors que commençait une longue et douloureuse nuit. Je ne trouvais point mon bonheur : Je désirais aimer totalement, complètement, tout de suite et la vie quotidienne se chargeait de me blesser dans cette attente. Jésus ? J’allais alors bien à la messe chaque dimanche mais je ne me laissais pas rencontrer par lui. Je me retrouvais seul avec mon désir et m’évadais dans le rêve ou dans des ambitions intellectuelles. Je restais déçu par la réalité dans laquelle je vivais alors : très sensible et émotif, je ressentais vivement la superficialité de la vie, ou plutôt celle dont je faisais l’expérience autour de moi et en moi. De plus, je me sentais prisonnier de moi-même, faible et pauvre, incapable de réaliser mon désir d’absolu. Ainsi enfermé, je réagissais… ce qui aggravait ma condition. Mais Jésus était présent et me permettait, grâce à des amitiés fidèles, d’espérer l’aurore !

Enfermé, replié sur moi-même, je me sentais coupable de me voir à la fois si imparfait et si insatisfait de l’être et de ne pouvoir sortir de ce cercle vicieux. Je poursuivais pourtant ma route et m’orientais vers des études commerciales et financières en pensant ainsi me valoriser. C’est alors que je découvre qu’il est possible de vraiment partager avec quelqu’un grâce à une intense correspondance avec une Australienne ; des amis m’apprécient, des choses se préparent pour me rendre disponible à une visite… Celle de Jésus.

Jeune étudiant à Nancy, je cherche une église proche de chez moi. Première homélie… sur l’amour de Dieu. Je suis enchanté ! Désormais, chaque dimanche, je suis heureux… mais Jésus reste encore impersonnel pour moi et le quotidien est toujours si enfoui sous mes questions… Un an et demi plus tard, au temps du Carême 1992, je passe un soir devant cette église, j’assiste pour la première fois à la messe de semaine ; désormais, tous les jours, Jésus m’invitera… Il se rapproche et me fait comprendre qu’il veut être mon ami chaque jour. Je vis cette rencontre, qui au départ me permet de souffler, de m’échapper, ceci durant neuf mois jusqu’au jour où, par l’intermédiaire du prêtre, Jésus m’appelle … : « Il est temps de réfléchir à approfondir ta relation à moi avec d’autres (ceci est vraiment important et tu trouveras ton chemin)… » Ce fut alors l’avalanche de grâces ; avant cela je répétais chaque jour à Jésus : « Que veux-tu de moi ? » Et voilà qu’il me donnait désormais tous les moyens de le découvrir et surtout de le découvrir, lui, comme personne présente, agissante, dans ma vie.

Cela se concrétise par une multitude de propositions : on me propose d’être chef scout, ce que j’accepte malgré mes doutes sur moi-même. Par la suite, je prends part à un groupe de jeunes à la recherche de leur vocation dans l’Église. Étape décisive : je reçois un directeur spirituel. Je me réconcilie avec moi-même, fais sincèrement le point et connais bien souvent la grâce de la Réconciliation : accueil privilégié de l’Amour miséricordieux de Dieu et moments d’intense paix.

"Jésus m’envoie une amie pour me guider : Thérèse de l’Enfant Jésus..."

Le 14 novembre 1992 dans l’après-midi, un livre que je ne cherchais pas du tout alors, tombe sous mon regard dans une bibliothèque : Jésus m’envoie une amie pour me guider : Thérèse de l’Enfant Jésus. La lecture de l’Histoire d’une âme qui raconte sa vie me transforme en trois jours ! Je suis bouleversé de trouver ce que je cherchais depuis si longtemps… La paix m’envahit… Je comprends que Dieu n’est qu’Amour et qu’il ne demande de nous que la confiance et l’humilité : un cœur jamais lassé, jamais découragé, revenant toujours à lui, lui présentant nos vies, ses faiblesses et ses joies.

Désormais, je n’étais plus seul. Lors d’une réunion de mon groupe de prière charismatique, je reçois cet appel – « Suis-moi ! » Où, Seigneur ? Il allait très vite me montrer qu’il m’attendait au Carmel. Alors en stage de fin d’études au Luxembourg, je passais mes soirées en prière au Carmel et les concluais par l’office de complies et des lectures avec les sœurs. Je me sentis alors appelé à Lisieux et là me fut donné de recevoir les coordonnées des frères carmes d’Avon. Sans penser à devenir carme, je décide de faire connaissance et dès le premier séjour… au fond du cœur je perçois cet appel dans une paix profonde : c’est là !

Je suis entré au Carmel le 14 octobre 1993. Là, Jésus me comble par sa présence. Souvent tenté de me regarder moi-même, c’est en le regardant, lui, que j’ai compris son amour, qu’il m’a montré le chemin.

Après une telle expérience qui se poursuit, je t’invite à la confiance en Jésus. Quelles que soient ta situation, tes questions, il est la réponse… Son amour est plus grand que notre pauvreté. Il veut te rendre heureux de lui et si tu t’abandonnes à lui tel que tu es, il fait merveille. Il ouvre ton cœur et te révèle le trésor qui est toujours en toi, même au plus profond de la nuit : j’apprends peu à peu que désirer dépendre de lui, voilà la Vie, la vraie liberté pour aimer.


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Frère Cyril, raconte-moi ton appel ?

Frère Cyril de la Compassion de Marie a fait sa profession solennelle le 25 novembre 2012 à St Joseph des Carmes à Paris. Il est actuellement en communauté au couvent de Paris où il est investi dans plusieurs apostolats.

Août 2005, les JMJ, Cologne. Encore surpris de m’y être rendu, je mesurais le chemin parcouru : la découverte de la foi chrétienne, ma rencontre avec Jésus-Christ le jeudi 19 mars 1998, avaient bousculé ma vie. Lorrain d’origine, ma famille m’avait enseigné la valeur de la bonne volonté, et je découvrais avec stupeur (je vous assure !) que je ne pouvais aimer le Christ sans aimer son Église. J’acceptai alors, malgré mon tempérament solitaire, l’invitation de mon curé à me rendre aux JMJ de Cologne. J’ignorais que ces JMJ étaient l’événement où Notre-Seigneur m’attendait pour répondre à ma question !

"Je laissais carte blanche à notre Mère pour que son Fils accomplisse en moi sa promesse"

Laquelle ? Celle que je lui avais adressée, par l’intermédiaire de la Vierge Marie, cinq mois auparavant. Je laissais carte blanche à notre Mère pour que son Fils accomplisse en moi sa promesse : « je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en surabondance » [Jn 10,10]. Il me manquait en effet « quelque chose », je le voyais bien… mais je ne m’attendais pas à ce qu’Il me réponde de tout quitter pour le suivre !…

Il faut dire que j’avais déjà 31 ans, le boulot marchait bien, je commençais à payer beaucoup d’impôts. La carte blanche donnée à Marie était simple : d’un côté je lui laissais me dire ce qui me manquait, quoique cela soit. Je m’engageais à faire tout ce qu’elle me dirait (Jn 2,5). Mais en contrepartie, je lui laissais jusqu’au 31 décembre pour me répondre. Était-ce une mise à l’épreuve ? Je me suis souvent posé la question. Il me semble que non : en effet, me disais-je, j’essaie de faire preuve de droiture d’esprit et si le Seigneur ne répond pas à ma prière (alors que je cherche et m’engage à suivre Sa propre Volonté), c’est que je serais plus droit que Lui et cela, c’est impossible. Tel était mon état d’esprit.

En août, je partis donc aux JMJ où je décidai, un soir, d’aller assister à une pièce de théâtre. C’était une pièce sur sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, que je ne connaissais pas. Ce fut là l’heure du Seigneur pour moi. Je fus tout à coup retranché en mon for intérieur, tant une évidence claire et intérieure y émergea : j’étais appelé à embrasser la vie religieuse… et je n’y avais jamais songé ! Cependant j’étais apeuré aussi : la vie religieuse, mais qu’est-ce que c’est ? Tous mes projets, ma vie, devenaient tout à coup si pâles en regard de cette vie (religieuse) que je ne connaissais pas !…

Quand je repris mes esprits, la pièce était finie, j’avais tout raté. Je me retrouvai isolé, au milieu d’italiens chantant et braillant joyeusement à tout-va. Ma peur commençait à disparaître progressivement, mais la clarté intérieure, la certitude de l’appel, demeuraient. Restait un « détail » : où ??? Je n’avais pas fait le lien entre Thérèse-Bénédicte de la Croix, ma vocation, et le Carmel !

Toujours dans l’église, je me mis à réfléchir. Je me souvins alors d’une rencontre vraiment enthousiasmante avec des religieux d’une Communauté Nouvelle. Pas la peine d’aller plus loin !

Je pris la voiture (une fois revenu des JMJ), fit 900 km pour aller les rejoindre. Et là… Ce fut terrible. Le jour, c’était formidable : liturgie fantastique, belle chaleur humaine, etc. Mais la nuit je me réveillais en plein combat : mon cœur me disait : NON. Ma raison me disait : SI, tout est là pour me plaire, tout ! Rien ne manque. Et mon cœur réaffirmait : NON, je ne saurais dire pourquoi, mais en restant ici je finirai essoufflé… Ce fut pour moi un moment vraiment douloureux. Déchiré entre une raison me disant OK et un cœur me disant douloureusement – mais fermement – « non », je finis par repartir.

J’étais comme un boxeur sonné, ayant livré le meilleur de lui-même au combat, mais ayant échoué. D’un autre côté, je prenais sur moi et affirmais au Seigneur que je ne lui en voulais pas. Je continuerai à faire bonne mine, je ne dirai rien aux collègues de bureau. Malgré toute mon aspiration à embrasser la vie religieuse, je ne me voyais pas feuilleter un annuaire des congrégations religieuses pour jauger celle qui me correspondrait le mieux. Et puis, le 31 décembre n’était pas encore arrivé. Le Seigneur avait la main, j’avais retiré la mienne (tout en restant disponible pour accueillir Sa Volonté sur moi).

Trois ou quatre semaines après, au cours d’un chapelet chez moi, me revint à la mémoire la parole de mon prêtre de paroisse, à qui j’avais partagé lors des JMJ mon appel à la vie religieuse. Mais c’était bien plus qu’un souvenir, c’était le Seigneur lui-même qui m’adressait la parole par son intermédiaire.  C’était à la fois ce prêtre et Jésus lui-même : « tu sais Cyril, quand tu m’as dis que tu voulais embrasser la vie religieuse, j’ai tout de suite pensé au Carmel pour toi ». C’était lumineux, comme un éclair. L’évidence était là, tranquille, claire, et pourtant ! Là encore je ne comprenais pas. Je me disais : comment est-ce possible ? Le Carmel, ce sont les carmélites, les carmélites, ce sont des femmes, et moi… en tant qu’homme je suis ‘‘biologiquement’’ incompatible ! Le lendemain, je partais à la librairie me documenter sur le Carmel, je découvrais l’existence des carmes et notamment de St Jean de la Croix.

Je décidai de regarder sur internet s’il y avait des frères du Carmel en France et, surtout, je me mis à aller à Avon, début novembre. J’y découvris une vie à la fois toute nouvelle (l’oraison, que je ne connaissais pas encore, la vie silencieuse, la vie conventuelle) et familière, si familière que rien ne m’étonnait. Le 31 décembre n’était pas encore arrivé, mais la Sainte Vierge m’avait répondu. Elle m’avait rendu ma carte blanche comme on remet une carte de visite. Y était désormais inscrit : Vierge Marie du Mont Carmel, ta Mère.

Ce fut alors le début de mon chemin avec le Carmel, avec la Province de Paris, avec mes frères…


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Week-end de discernement : « Au désert »

« Oracle du Seigneur : Je l’emmènerai au désert, et là je parlerai à son cœur » (cf. Osée 2,15-16).


Week-end de discernement vocationnel pour ceux et celles qui s’interrogent sur leur vocation : courts enseignements, journée de solitude, accompagnement spirituel.

Pour plus d’informations, contacter frère Cyril au 01 53 71 14 60 ou frerecyril@carmes-paris.org

 

La journée type d’un frère

Dans la douceur et la force de l’Esprit, Entrer dans le combat spirituel avec comme armes : la foi, l’espérance et la charité.

Notre rythme de vie

De bonne heure, dans la chapelle du Carmel, les frères carmes sont là, chacun dans la position qui lui convient pour se recueillir. Quelques mots prononcés à haute voix ouvrent l’heure d’oraison : « L’ange du Seigneur vint porter l’annonce à Marie … » Une heure de prière silencieuse, un cœur à cœur avec le Seigneur, pour accueillir le mystère de la venue de Dieu, au moment où la ville commence à s’agiter.

C’est ensuite la prière chantée du matin, l’office des Laudes. Aux voix des frères de la communauté se joignent celles des retraitants et fidèles venus au couvent. Il est bon de louer, d’intercéder, en s’unissant à la grande voix de l’Église de la terre et du ciel. Au programme le matin : variable selon les jours! Par exemple, temps de lecture spirituelle, réunion de communauté qui a lieu chaque semaine : lire ensemble quelques pages d’un saint et ami, s’enrichir de la diversité des réactions qu’il suscite, discerner ce qui porte la marque de son temps et ce qui témoigne de la Vérité qui ne passe pas.

La matinée peut aussi être employée à la préparation d’une courte homélie pour la célébration de la messe ou au courrier papier ou électronique : ces lettres reçues, chargées de vie, joyeuses ou douloureuses. Il s’agit de se laisser toucher et de faire écho après avoir levé son regard vers le Seigneur. La cloche a sonné en fin de matinée pour appeler à l’Eucharistie. Ce rendez-vous est le centre de notre journée. Il nous recrée intérieurement, nous unit les uns les autres en Christ au-delà de nos différences, nous entraîne vers un avenir dont Dieu seul a le secret.

Vient le déjeuner, avec la lecture de quelques pages d’un article ou d’un livre. Puis un temps de récréation conversation donne lieu aux échanges de nouvelles, aux plaisanteries, au rire ou à d’âpres discussions ! L’après-midi peut être consacrée à l’accompagnement spirituel, une rencontre avec une fraternité de laïcs de spiritualité carmélitaine, un groupe de prière des environs, la préparation d’une conférence, un cours, etc…

En fin d’après-midi, nous avons de nouveau une heure d’oraison avec l’office des vêpres. L’esprit et le cœur sont alors habités par les visages rencontrés au cours de la journée, les messages de joie ou de détresse reçus par email ou au téléphone, les événements lus dans le journal. Tout accueillir, tout remettre à Celui qui est venu tout porter, tout offrir. Nous aimons ces deux grandes plages de prière où nous venons pour tenir compagnie au Seigneur et apprendre de lui à dilater notre cœur à la taille de l’Église et de l’humanité.

Après le repas du soir pris sur un fond de musique classique et le temps de la vaisselle faite ensemble, la journée en communauté s’achève par le bref office de Complies, la dernière prière chantée de la journée.

S’ouvre alors un temps privilégié de solitude… ou d’apostolat pour d’autres. Les uns se couchent tôt qui se lèveront tôt. Certains frères animent une école d’oraison ou un groupe carmélitain. D’autres enfin veillent avec Celui dont nous connaissons l’Amour infini !

Est-ce qu'on travaille au Carmel ?

Depuis « les Pères du désert » jusqu’à ce jour, toutes les Règles monastiques, les Constitutions des diverses familles religieuses évoquent la question du travail. Cette attention révèle combien cette réalité qu’est l’activité humaine s’avère importante pour l’équilibre tant physique et psychologique, que spirituel du religieux. Concernant ce dernier point, le travail est souvent abordé comme un remède à l’oisiveté, mère de tous les errements.

La Règle du Carmel souligne elle-même ce danger en citant saint Jérôme : « Vous devez vous livrer à quelque travail afin que le diable vous trouve toujours occupés, et que votre oisiveté ne lui permette pas d’avoir quelque accès à vos âmes ». Cette place accordée au travail, aux activités manuelles et physiques dans la vie du religieux revêt cependant une attention plus soutenue durant les premières années de formation (postulat et noviciat).

Autre aspect du travail : s’il est antidote à l’oisiveté, il est également facteur d’équilibre et source de joie pour l’être humain. Considération qui nous fait saisir l’importance de toute activité de détente et de ressourcement pour le religieux, qu’elle touche le corps, le psychisme ou la vie intérieure. En effet, la formation spirituelle des frères et les études pourraient également conduire à des excès, nuisibles à leur équilibre. Nulle concession à la mondanité en cette approche. Dans son « projet carmélitain », sainte Thérèse elle-même a pris soin de ménager ces grands moments de détente pour l’âme et le corps appelés « récréations ». Ces moments font partie intégrante du quotidien des frères carmes.

Enfin il y a bien sûr l’enjeu économique : à l’école de saint Joseph, nous avons à gagner notre vie par notre travail, qu’il soit apostolique, intellectuel ou manuel. Notre voeu de pauvreté est en jeu dans cet engagement dans le travail avec l’aide de l’humble vie .

Vivre en communauté

« Qu’il est doux pour les frères de demeurer ensemble et d’être unis. » Ps 133

La vie fraternelle se déploie déjà dans la vie de prière et dans le silence, qui nous unit dans une communion au-delà des mots. La vie de communauté nous aide au quotidien à grandir en humanité et en sainteté en donnant à nos frères et en recevant d’eux : notre amour de Dieu se vérifie dans l’amour du prochain. « Tous doivent être amis » (Chemin de perfection 4,7) : pour sainte Thérèse d’­Ávila, la vie communautaire irradie la joie partagée de suivre le Christ, pauvre, chaste et obéissant.

La vie fraternelle constitue un élément essentiel sur le chemin de l’union à Dieu, car amour de Dieu et amour du frère sont inséparables. Elle est le signe de cette Présence du Christ qui rassemble des frères qui ne se sont pas choisis mais qui ont été appelés par le Seigneur. Après le temps de la formation, le religieux carme est envoyé dans un des couvents de la Province. Cela suppose une disponibilité aux appels de l’Esprit Saint. La réponse à ces appels s’incarne dans un réel dialogue avec les frères en responsabilité : il s’agit, concrètement, d’avancer, d’oser s’aventurer avec et au milieu de ses frères avec un cœur libre et généreux.

Quand bien même le frère carme vit des temps de ressourcement et de solitude (retraite spirituelle), son quotidien se passe habituellement en communauté. « La colonie d’ermites » des origines vit désormais dans un même espace, le couvent ; la cellule reste le signe du retrait et « du désert » mais les frères se retrouvent régulièrement au cours de la journée : pour vivre l’oraison silencieuse, pour célébrer la liturgie de Heures et l’Eucharistie, pour prendre les repas, pour la vie apostolique (vécue individuellement, avec d’autres frères ou l’ensemble de la communauté), pour les temps de récréations et de détente (véritable lieux de ressourcement du cœur en compagnie de ses frères).

S’engager dans l’oraison

« L’oraison est un commerce intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé. »
Sainte Thérèse d’Ávila, Vie 8

La prière silencieuse, l’oraison, est au centre de notre vie au Carmel. Cette prière est un élan du cœur qui nous remet chaque instant en présence de Dieu. L’oraison permet de faire grandir en chacun de nous, la rencontre et l’amitié profonde avec Jésus. Nous écoutons et méditons la parole de Dieu dans notre cœur, celle-ci devient une lumière éclairant les activités du jour, dans le travail ou dans la détente, dans les joies ou dans les peines.

L’oraison silencieuse est un moment privilégié de rencontre personnelle avec Dieu. « L’oraison est un dialogue personnel, intime et profond entre Dieu et l’homme » (Lettre de la congrégation pour la doctrine de la Foi, 1989).

Pour sainte Thérèse d’Ávila, c’est le Christ ­Jésus qui doit être le centre de ma vie de prière. Sinon je risque souvent de tomber dans le monologue. Dans la prière, j’apprends à écouter ce que le Seigneur veut me dire car je laisse résonner en moi sa Parole, lue dans la Bible. Je vois comment elle visite les événements de ma vie et les éclaire. Je prends aussi la parole pour confier au Seigneur ce que je vis de joyeux ou douloureux pour que ma vie passe dans ma prière. La prière est bien un dialogue amical qui doit laisser aussi une place au silence : être là, gratuitement et par amour de Jésus. Lui parler, l’écouter, être là.

La présence de Dieu a été considérée de tout temps comme le grand sujet de méditation qui prépare l’esprit à goûter l’intimité divine. Le Carmel accorde une grande importance à l’exercice de la présence de Dieu à la suite du prophète Élie qui se tenait « en face de Dieu vivant » (1R17,1).

Apprendre à vivre en présence de Dieu

Vouloir vivre en présence de Dieu, c’est désirer lui faire place dans sa vie. 2 heures, 30 minutes ou 15 minutes, peu importe le temps consacré, tant que nous avons en nous le désir profond de Dieu, de le rencontrer et de le découvrir.

Vivre en présence de Dieu demande du temps et de l’humilité. Comme disait frère Laurent de la Résurrection « il faut une grande fidélité à la pratique de cette présence et au regard intérieur de Dieu en soi, qui se doit toujours faire doucement, humblement et amoureusement, sans se laisser aller à aucun trouble ou inquiétude. » C’est donc apprendre à se laisser regarder et aimer par Dieu en simplicité, tel que nous sommes.

En savoir plus sur l'oraison

Travailler à la mission de l’Église

Pour être les témoins de l’Amour du Christ

Être saisi par la compassion du Christ, aider son prochain à trouver du sens , écouter, accompagner, être présent auprès des autres,  faire expérimenter la Parole de Dieu comme une Parole vivante aujourd’hui.

Ces mots de sainte Thérèse d’Ávila traduisent son zèle missionnaire :

« Le monde est en feu, on veut condamner à nouveau le Christ, comme on dit, puisqu’on élève contre lui mille faux témoignages, on veut jeter à terre son Église, …il n’est pas temps de traiter avec Dieu d’affaires de peu d’importance. »
Chemin de perfection ch.1

L’accompagnement spirituel est un apostolat que nous accomplissons fréquemment : accueillir avec le Seigneur, écouter, être pris à témoin de ce que l’autre, homme ou femme, vit en ombre et lumière ; l’aider à devenir un être de prière, à reconnaître le chemin de vie qui se découvre jour après jour. Ce travail d’acompagnement est important.

D’autres ministères sont possibles : une journée avec une fraternité de laïcs de spiritualité carmélitaine (OCDS), un cours de théologie, une soirée avec un groupe de prière, une longue retraite de sept jours, un temps en aumônerie d’étudiants, quelques jours dans une communauté de Carmélites que nous accompagnons. La rencontre des Carmélites est un temps d’enrichissement mutuel, même si le rythme en est très variable selon les possibilités des frères.